— Construction d’inkike pour kraal des détenteurs d’igikingi.

— Corvée de coupe de payrus et préparation des abreuvoirs-bétail ».

 Bien que n’étant pas une définition, cette description des aspects d’igikingi peut être considérée comme importante. Outre la distinction qu’elle contient des formes d’igikingi, elle met en lumière le mécanisme interne qui dominait l’institution d’igikingi, mécanisme qui apparaît indéniablement comme politique.

En complément à ce tableau, nous ajouterons le point de vue de MM. Maquet et Nayigiziki pour lesquels igikingi politique est la plus petite subdivision des unités territoriales composant une circonscription confiée par le pouvoir central à un fonctionnaire. Mais, note ADRIAENSSENS, certains éleveurs n’appartenant pas à la hiérarchie administrative recevaient également des droits exclusifs sur certains pacages. Ces droits se limitaient à l’usage de pâturages et à une autorisation restreinte d’habitation et de culture. C’est l’igikingi privé ».

Devant l’abondance des interprétations d’un même mot, une confusion reste possible. Mais seulement si on reste sur le plan théorique. Comme le font remarquer MAQUET et NAIGIZIKI, cette confusion peut être exclue, car « en fait, il ne s’agit pas de la désignation par un même mot de deux réalités différentes mais plutôt d’une réalité juridique unique qui est à la fois domaine et territoire ». Le mécanisme décrit par la Commission d’étude évoqué ci-dessus est éclairant à ce sujet. En définitive, igikingi est l’ensemble des terres sur lesquelles portent des droits fonciers et aussi une étendue (territoire) sur laquelle portent des droits politiques.

Un dernier élément dans l’approche de la notion d’igikingi est donné par le Groupe de Travail (1959), lequel considère qu’avant la colonisation européenne, igikingi était un « petit fief politique et foncier », tandis qu’à l’époque de l’étude du Groupe de Travail, igikingi était un « domaine foncier pastoral ».

Après avoir exploré les écrits des spécialistes, la question reste posée de savoir ce qu’est igikingi dont nous avons cherché à cerner la notion.

En fait, chacun des auteurs, cités ci-dessus, a raison sur une partie de son explication, lorsque celle-ci est mise en rapport avec une explication d’un autre auteur. Cependant, il est possible de relever quelques constantes où l’unanimité est acquise.

Il semble en effet que quatre points ont rallié l’opinion des chercheurs, à savoir que :

1° Igikingi était une unité territoriale.

2° Seule l’autorité politique était compétente pour le créer.

3°Ceux qui en bénéficiaient participaient au pouvoir.

4° Des privilèges découlaient de ce bénéfice.

Sur la base de ces éléments et des considérations faite sur l’igikingi dans les références données, nous proposons la définition suivante que nous croyons correspondre à la réalité igikingi et à la philosophie (conception) de ses promoteurs :

« Igikingi est, à l’origine, une unité territoriale héréditaire de droit Tutsi, créée par l’autorité politique compétente, en vue de la confier pour sa gestion à un fonctionnaire de son choix, ayant autorité en son nom sur les habitants du territoire et sur leurs biens, et dont le domaine servait d’assiette à l’action des gouvernants, tant en matière politico-administrative qu’en matière foncière (économique) et pastorale, eu égard aux circonstances de temps et de lieu, à la qualité des personnes et moyennant certaines conditions ».

Cette nouvelle définition met l’accent sur la rationalisation du système, rationalisation que permet de supposer les résultats qu’il a atteints et que le Conseil Supérieur du Pays semble sous-entendre lorsqu’il déclare ! « En droit, le possesseur du pâturage est la vache, mais elle n’est pas bien sûr intelligente pour revendiquer ses droits. D’ailleurs, il est significatif qu’au Mutara, où le bétail a suffisamment de pâturages, il n’existe pas ce système d’IGIKINGI, SYSTEME ADOPTE EN VUE DE SAUVEGARDER LES BIENS DE LA VACHE CONTRE LA RAPACITE DE LA HOUE ».

Un autre aspect que nous voulons souligner par cette définition, c’est la mainmise par le pouvoir central sur tout ce qui est considéré comme faisant partie du royaume. Igikingi est un moyen efficace pour le roi de s’assurer la fidélité des sujets et partant d’affermir son autorité.

Igikingi constitue ce qu’on peut appeler le cadre de la vie des habitants en ce sens qu’aucun droit, aucune prétention d’un habitant ne doit échapper à l’attention du fonctionnaire représentant d’un supérieur hiérarchique. C’est pourquoi les notions qui suivent doivent être comprises comme appartenant au cadre d’igikingi, les droits et les obligations s’exercent d’abord à partir de ce que permet ou défend le responsable d’igikingi agissant en son nom ou au nom de ceux qu’il représente.