D. Le sens des Distinctions honorifiques

9. Il existait dans le Rwanda ancien, l’institution des Distinctions honorifiques et elles étaient uniquement guerrières. Seul le monarque pouvait les concéder aux héros qui réalisaient les conditions exigées.

a) Umudende : Collier de la Septaine

Le mot umudendesignifie étymologiquement grelot ; clochette.Dans le langage courant, la signification initiale de clochette, grelot, ne s’emploie plus. Le terme umudende ne signifie donc plus rien d’autre que la Distinction dont il est ici question.

Le « bijou » lui-même est une tige de fer, plié de manière à pouvoir être porté autour du cou à l’instar de collier. De cette tige, sur la poitrine, pendaient des pièces en fer, évidées en forme de cônes et comportant, à l’intérieur, un battant ; de cette manière, au moindre mouvement, le battant frappait contre la paroi de son contenant et tintait comme une clochette. Ces clochettes pendantes

s’appellent amashinjo au pluriel, et au singulier (inusité en ce cas) ishinjo, mot de la 5ème classe. Les amashinjo doivent être en nombre pair : 2, 4, 6.

10. Nous avons traduit umudende par le Collier de la septaine parce que la Décoration était concédée au guerrier qui avait tué 7 ennemis, expirés sur le champ de bataille. On n’y comptait donc pasceux qui, étant blessés, s’en étaient allé mourir chez eux. Et puis, — chose très importante, — ces 7 ennemis devaient être des étrangers : on ne pouvait y compter les Rwandais éventuellement tués au cours d’expéditions punitives ou de combats privés et à plus forte raison en cas de conflits individuels. Il fallait que ce fût au cours de combats en Expéditions Officielles entre Rwandais et étrangers. Lorsque le guerrier, par exemple, au cours d’une expédition, tuait le 7ème et y ajoutait le 8ème ennemi, la Décoration était manquée : on attendait qu’il ait abattu le 9ème et il en était honoré. Les nombres 7 et 9 étaient seuls sacrés dans la Culture Rwandaise traditionnelle. (Notons qu’une femme qui enfantait le 7ème enfant du vivant des 6 précédents, bénéficiait d’une cérémonie analogue et obtenait des privilèges sociaux refusés aux épouses n’ayant pas réalisés les mêmes conditions).

11. La Décoration du Collier de la Septaine imposait des charges qui en limitaient les bénéficiaires. Il fallait entre autres immoler un taurillon à chaque nouvelle lune et à la même occasion accomplir des cérémonies de noces ; c’est-à-dire réellement ou fictivement prendre une femme. Kigeli IV Rwabugili qui régna de 1853 (date presque certaine) à 1895, abolit ces conditions, pour permettre aux guerriers d’être décorés sans charge pour la Cour. Il fallait, en effet, investir le guerrier, lui donner un nombreux cheptel et des commendements, au moment de lui conférer la Décoration, afin qu’il pût satisfaire aux obligations qui s’y rattachaient.

b) Imhotore = la Torsade

12. La racine hotore est dérivée du verbe (gu)hotora — tordre. Le « bijou » se composait de deux tiges, l’une de fer et l’autre de laiton,enroulées l’une sur l’autre, d’où son nom de imhotore=torsade.

On le portait au oignet droit, à l’instar de bracelet. Il était accordé au guerrier ayant tué le 14èmeennemi dans les mêmes conditions que les 7 du Collier de la Septaine (c.à.d étrangers expiréssur le champ de bataille en Expéditions officielles).

c) Gurena uruti =Brûler le javelot

13 La troisième et la dernière Distinction guerrière consistait en une cérémonie, au cours de laquelle le preux qui avait tué le 21ème ennemi dans les mêmes conditions (étrangers expirés sur le champ de bataille, en Expéditions officielles),brûlait le bois de sa lance.

Celui qui avait célébré ladite cérémonie devenait un héros national et ne prenait plus part aux combats.

Ces notions nous permettront de comprendre plus naturellement les allusions contenues dans le Chant que nous allons lire. L’Aède ne considère ici que le Collier de la Septaine. Son héros narre ses exploits en dépassant 7 et 9 victimes certes, mais il faut se rappeler qu’il pouvait en avoir abattu plus de 10, dont certains n’entraient pas en ligne de compte pour la Décoration.