D’après BOURGEOIS, isambu « se traduit à l’origine ferme ou prairie, terre inculte et enfin Itongo, lorsque la mise en valeur est réalisée et notamment quand la ferme est abandonnée ». « Isambu ou Itongo que nous intitulerons désormais ferme, pouvait être sollicitée par un étranger au clan auprès d’un titulaire d’un domaine Ubukonde conquis sur la forêt, auprès des autorités indigènes, des éleveurs détenteurs d’un droit de pacage, ou même de fermiers privés ».

La différence dans la conception et dans la procédure des deux droits (l’un clanique et Hutu et l’autre politique et Tutsi) doit être gardée à l’esprit pour prémunir contre une confusion à laquelle peut conduire ce texte de BOURGEOIS.

SANDRART décrit ISAMBU comme étant un « lotissement occupé par l’exploitant, et qui comporte non seulement la parcelle habitée, mais également l’ensemble de ses champs. Il se muait assez aisément en « INGOBYI », tenure à prétention héréditaire. C’est ainsi que les enfants d’un détenteur d’Isambu n’employaient déjà plus ce terme et y substituaient le terme « Ingobyi ».

Pour MAQUET et NAIGIZIKI, la notion d’Isambu est un corollaire de l’action des autorités politiques Tutsi qui en s’emparant du pouvoir au détriment des Bahinza (rois Hutu) leur ont retiré en même temps l’autorité qui leur revenait au sein de la société les rendant ainsi incapables de protéger les domaines collectifs UBUKONDE, dont ils avaient la garde. La perte du pouvoir par les Hutu au profit des Tutsi entraîna la désorganisation des Hutu et donc la divisibilité de la propriété collective. La répartition des terres tomba dans les prérogatives des conquérants.

Ainsi, écrivent MAQUET et NAIGIZIKI, « l’ISAMBU a été obtenu par le morcellement des domaines collectifs des groupes de parenté. Lorsque s’élevait une contestation entre les membres d’un inzu (patrilignage primaire) au sujet de l’exploitation de telle ou telle part du domaine collectif, ils recouraient à l’arbitrage d’un Tutsi qui était soit revêtu d’une charge politique, soit simplement un homme riche et respecté.

Pour mettre fin à la contestation, le Tutsi assignait à chacun des plaignants une certaine parcelle du domaine collectif oui dès lors cessait de l’être »… « Lorsque les parcelles des membres du groupe de parenté avaient été délimitées par arbitrage, celles d’entre elles qui tombaient en déshérence, au lieu de retourner au fonds commun et indivis du lignage, étaient acquises à l’autorité politique ».

Ainsi s’explique la notion que donne KAGAME de l’isambu pour qui « la propriété ISAMBU est celle qui dépend de l’autorité politique, dès le jour où le propriétaire Mukonde l’a quittée définitivement.

Cette propriété ISAMBU ne peut jamais retomber dans le système d’UBUKONDE. Bien plus, il n’est permis à personne de vendre cette propriété : LA TERRE DISPONIBLE APPARTIENT AU ROI HAMITE ( = TUTSI) QUI EN LAISSE LA JOUISSANCE A SES SUJETS ; MAIS CES DERNIERS NE PEUVENT PAS EN DISPOSR COMME SI ELLE LEUR APPARTENAIT EN PROPRE, comme s’ils étaient des Bakonde (défricheurs) ».

Le parcours fait dans cet essai d’explication du mot Isambu montre que la notion de ce terme et donc sa réalité est inséparable de l’idée d’autorité. Celle-ci apparaît comme la condition nécessaire pour que la réalité Isambu revête son vrai sens. Isambu dans son sens premier découle d’une décision de l’autorité politique.

Ce critère semble être à la base de la définition que le Conseil du Mwami (1951) a donné de ce terme. Par ISAMBU, le Conseil entend la propriété foncière délimitée et concédée par l’autorité compétente à une personne en vue de s’y établir et de la cultiver ».

Il est à remarquer que les différentes explications du terme « Isambu » données par les différents auteurs se recoupent et même se complètent. Toutefois, lorsque dans cette étude nous évoquerons cette notion, ce sera par référence à la description de MAQUET et NAIGIZIKI, complétée par KAGAME et le Conseil du Mwami. Des éléments que fournissent ces auteurs, on peut tirer la définition que « Isambu est un terrain cultivé, délimité par l’autorité politique et concédée à une personne individuelle ».

A la différence d’ubukonde et d’ingobyi y’ igisekuru, qui sont des domaines collectifs d’un lignage, isambu est toujours une tenure agricole individuelle. Si habituellement cette tenure est habitée, il n’est cependant pas requis que son titulaire soit installé sur son terrain. SEULE LA DELIMITATION PAR L’AUTORITE POLITIQUE SEMBLE NECESSAIRE POUR FONDER LES DROITS FONCIERS DE TYPE ISAMBU.

Ainsi, lorsque le père d’un jeune homme en âge de se marier ne dispose pas de terres suffisantes pour établir son fils, il demande à l’autorité un terrain jugé fertile dans l’umukenke. Dès que le chef a concédé et délimité le terrain, le jeune homme le cultive et y plante une bananeraie. Il a son isambu. Il y construira sa hutte et, après le mariage, ira résider dans sa tenure agricole.