Nous mentionnons cet élément comme faisant partie de la structure du gouvernement central simplement parce que des auteurs en ont fait cas de façon inégale dans leurs travaux. La brièveté des passages consacrés à l’étude de ce qui pourtant a été considéré comme une véritable institution gouvernementale semble indiquer que la réalité de celle-ci relève plus du domaine du possible que d’une mise en pratique effective d’une idée ou d’un principe. Ne disposant pas d’éléments nouveaux pouvant servir de preuves à l’existence de ce conseil dans le Rwanda précolonial et les travaux auxquels nous nous référons n’emportant pas notre conviction sur ce point, nos considérations sur la question resteront généralement d’ordre hypothétique.

Lorsque nous avons analysé les institutions administrative et militaire, nous avons dit qu’à la tête des provinces étaient placés les Grands chefs appelés « Abatware b’intebe » (chefs avec siège). Ce sont ces grands chefs qui auraient formé le Conseil réuni sur convocation du roi.

Nous avons dit dans les pages qui précèdent que souvent ces grands chefs devaient vivre à la Cour et n’étaient qu’exceptionnellement dans leurs domaines où ils désignaient des représentants. Cette présence quasi permanente à la Cour était liée au caractère de courtisans et de vassaux et était un signe de loyauté et d’attachement au maître vers lequel « tous s’avançaient et se poussaient », faisant de la politique, ourdissant des cabales et flattant le roi de qui dépendait le crédit et l’avancement.

Si donc ces courtisans pouvaient être consultés occasionnellement par le roi, cela ne signifie pas qu’ils constituaient une assemblée politique méritant le nom de conseil. Ce concept implique en effet que l’on puisse discuter librement et en commun, et que des opinions contradictoires puissent se manifester publiquement et librement.

Or, nous l’avons souligné, outre que le roi était absolutiste, il était contre-indiqué chez un inférieur de penser autrement que le supérieur et surtout d’exprimer une opinion allant à l’encontre de ce qu’on croit être sa pensée. Dès lors, on est en droit de croire que finalement les grands chefs ne formaient pas un conseil, n’avaient même pas à conseiller, mais étaient des informateurs chacun au sujet de la situation dans sa province, et restaient des courroies de transmissions des volontés du roi à leurs sujets. Autrement dit, le Conseil en tant que rouage politique tel qu’on peut le concevoir aujourd’hui, était inexistant au niveau du gouvernement central.